La guerre du polycopié
Ecole primaire
Franck était le caïd (et le cancre) de la classe.
Il était blond, grand, et fort, personne ne lui arrivait à la cheville, personne ne le chicannait. Il faisait ce qu'il voulait.
D'après me mère et mes profs, je vouais une admiration sans limite à Franck, même si j'étais bien meilleur que lui au foot et aux billes. Mais lui, les billes, il les gagnait d'une autre manière, en arnaquant "Pivert" (Pierre-Alexandre), qui lui avait des parents assez riches pour lui acheter des sacs et des sacs de billes, qu'il perdait lamentablement (entre autre contre moi).
Franck avait deux lions, chez lui. Je trouvais qu'il avait vachement de chance d'avoir des lions, moi qui n'avait pas encore mes chats.
Je ne sais pas comment Franck me considérait ; je pense qu'il m'aimait bien, on s'entendait bien.
Un jour, alors qu'il était au dernier rang et moi à l'avant-dernier, la prof demande aux élèves de sortir un polycopié qu'elle avait distribué trois siècles auparavant.
Branle-bas de combat pour Franck et moi.
Nos bureaux étaient à peu près semblables, c'est-à-dire ordonnés de façon très personnelle, et finalement très artistique (un peu comme le coffre de ma voiture, pour ceux qui l'ont déjà vu).
Après avoir cherché pendant au moins 50 ou 60 heures, je trouve miraculeusement le polycopié en question, un peu écorné.
Soulagement, le stress redescend.
"Ayè, je l'ai trouvé", lancé-je fièrement à Franck, en tenant le précieux trésor.
A peine ai-je prononcé ces paroles que Franck me saute dessus pour me voler mon polycopié, en disant "c'est le mien".
Nous nous retrouvons très vite par terre, en train de lutter pour un malheureux polycopié qui ne nous aurait sans doute servi ni à l'un ni à l'autre.
Franck avait beau être plus fort que moi, je luttais énergiquement, afin de conserver mon précieux polycopié.
Evidemment, la prof est intervenue. Je ne me rappelle plus trop de ce qu'il s'est passé, Franck disait que je lui avais piqué son polycopié, et moi l'inverse.
On a dû bien se faire jeter.
Le soir-même, en sortant de la classe, je m'aperçois avec effroi que ma mère avait décidé ce jour-là d'aller voir la prof.
Mais quel manque de bol, je n'y crois pas.
J'ai tout fait pour qu'elle n'y aille pas, en prétextant qu'elle était malade, ou je ne sais quoi, sans succès.Et voilà, je me suis fait en plus engueuler par ma mère. Heureusement, j'avais pour moi le fait qu'elle avait déjà entendu parler de Franck, et j'ose espérer qu'elle devait me croire quand je lui disait que c'était lui qui voulais me piquer mon polycopié et pas l'inverse.
Au fil des classes, j'ai perdu Franck de vue, je ne sais plus comment il a évolué, peut-être a-t-il redoublé.
Une fois, j'ai entendu qu'il avait piqué une mobylette, je ne sais pas si c'est vrai.